« Return to play » ou « return to competition » ?

« Return to play » ou « return to competition » ?

À la suite de différents échanges avec des médecins du sport, des kinésithérapeutes, des chercheurs et des confrères préparateurs physiques sur la notion de « Return to Play » (RtP), pourtant largement employée dans le milieu médical et subséquemment dans le milieu sportif, il apparait qu’elle n’a pas le même sens pour tout le monde. Qui plus est, entre confusions voire étonnements lorsqu’on évoque les termes apparentés de Return to Competition (RtC) et plus encore de Return to Sport (RtS), il semblait important de faire le point.

 

 

Le « Return to Play » (RtP)

Concept largement répandu dans les milieux de la médecine sportive, de la kinésithérapie et de la préparation physique quand on aborde les périodes de rééducation, de réathlétisation voire d’entraînement, le « Return to Play » (RtP) si on s’appuie sur la traduction littérale de l’anglais, est la phase qui consisterait à permettre le « retour au jeu » d’un athlète ou d’un sportif suite à une blessure ou à une intervention chirurgicale. Par jeu, il faut comprendre compétition. Or à la lecture de certaines publications anglo-saxonnes concernant la rééducation (« rehabilitation » ou « rehab » en anglais) et la réathlétisation (« reconditioning ») à l’image de celle de Joyce et Lewindon, on peut constater que certains « strength and conditioning coachs » (SCC) et « athletic trainers » (AT) emploient le terme « Return to Competition » (RtC) qu’ils distinguent bien du terme RtP que privilégie notamment le corps médical et paramédical. Sans jeu de mots… 

Pour ces SCC ou AT, le Return to Play marque la fin de la rééducation (dont il est l’objectif) autrement que la possibilité immédiate d’un retour au jeu, aux entraînements individuels et/ou collectifs spécifiques, et à la compétition comme l’envisagent certains médecins, kinésithérapeutes voire même préparateurs physiques. Soulignant du même fait que « ce terme est rarement utilisé pour décrire une phase de préparation ou d’entraînement dans un plan annuel » et tout l’intérêt (indispensable!) d’associer la rééducation à la phase de réathlétisation.

Profitons en d’ailleurs pour (re)définir la « réathlé » (dans notre jargon) : « processus qui permet à l’équipe en charge de la performance [en concertation avec l’équipe médicale] d’appliquer immédiatement après la blessure ou l’intervention chirurgicale, tous les aspects du développement athlétique pour préparer au mieux [on ajoutera : d’une manière efficiente et optimisée pour envisager un retour à la compétition le plus rapide possible en minimisant autant que possible le risque de récidive ou l’apparition de nouvelles blessures] l’individu aux véritables exigences de compétition à venir. » Une manière d’expliquer la réathlétisation que l’on pourrait compléter par les propos de Mathieu Chirac (ex-responsable de la cellule réathlétisation à l’INSEP), je cite : « ensemble des moyens non médicaux et non paramédicaux mis en oeuvre pour rétablir complètement l’efficacité motrice ou fonctionnelle d’un sportif. » 

Avec pour but à atteindre : le retour à la compétition (Return to Competition : RtC).

 

« Returning to competition is easy; continuing to compete is more difficult. »

Bill Knowles

 

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Quelle distinction avec le « Return to Competition » (RtC)?

Sans chercher à dissocier ni opposer le Return to Play au Return to Competition / la rééducation à la réathlétisation, mais dans l’idée d’en préciser les orientations pour une meilleure complémentarité, ces « trainers » font remarquer que les protocoles de rééducation sont souvent « centrés sur ce qu’un athlète ne peut pas faire, par opposition à ce qu’un athlète peut faire. » Expliquant que bien que cela soit tout à fait compréhensible dans la mesure où il est impératif de ne pas compromettre ou retarder les phénomènes de cicatrisation et de consolidation en protégeant la lésion et sa région, ces limitations telles que l’inactivité même partielle ou le repos peuvent avoir pour conséquence – « à court et long terme » l’altération « des qualités de mouvement du sportif » et l’apparition d’une « inhibition neuromusculaire » – pouvant alors devenir des facteurs de risques bien plus importants que les procédés de rééducation et de réathlétisation pouvant être envisagés.  « Le modèle traditionnel de rééducation, qui se concentre davantage sur la blessure, sous-estime la réponse du corps que peut avoir sur la guérison un entraînement « familier » des mouvements chez les athletes. » 

 


« There is a big difference between protecting and restoring tissue health and preparing the athlete for a return to competition. » 

 

Ce que le système EXOS (anciennement Athlete’s Performance) désigne comme une médecine « defensive » contraire à une médecine « offensive » (figure 1). Les anglo-saxons dont on connait le style direct, ont décidément toujours le sens de la formule. Pour preuve, et si vous êtes de nature curieuse, je vous invite à rechercher la définition qu’ils ont de la « defensive medicine » (médecine préventive) que vous trouverez par ailleurs dans la page 13 de ce document

 

Defensive Medicine Vs Offensive Medicine Exos

Figure 1 – « Defensive Medicine vs Offensive Medicine » (extrait de l’intervention de Christopher Brock de la société EXOS, lors du 3ème colloque organisé par l’association des Préparateurs physiques du Football Professionnel Français (PFP) à la FFF)

Le plan élaboré du « Return to Competition » et le modèle de réathlétisation qui en découle encouragent plutôt la poursuite d’un entraînement quotidien de ces mouvements : « Cette stratégie maintient et/ou restaure des patterns de mouvement coordonnés qui sont essentiels pour la réussite sportive … » dont le type, l’intensité et la charge appliquée sont fonction : 

  • du type de blessure ou de maladie (aigue ou chronique)
  • des conditions de survenue de la blessure ou de la maladie (facteurs contextuels)
  • du suivi médical (indications, contres-indications)
  • du profil de l’athlète (âge, moment de carrière, antécédents traumatologiques)
  • du type de discipline sportive (en individuelle ou en équipe, sport de contact ou non)
  • des exigences physiques du sport pratiqué 
  • de l’état psychologique quotidien du sportif
  • du niveau de pratique (amateur, professionnel)
  • des impératifs de la saison (échéance sportive importante) …

Le tout et il est important de le répéter, doit se faire de concert avec l’équipe médicale en charge du ou de la sportive et de sa rééducation.

On modérera tout de même cette considération pour laquelle, l’entraînement des patterns de mouvement doit être systématiquement envisagé. Les circonstances ne le permettent pas toujours, une analyse au cas par cas étant indispensable. Si prise de risques il y a comme c’est souvent le cas (management du risque (McCall et al., 2016)) entre les recommandations médicales et scientifiques (délais de récupération supplémentaires) et les exigences de terrain (pression du staff), elle doit être dûment réfléchie et concertée par l’ensemble des parties-prenantes ou décideurs clés que sont l’équipe médicale et scientifique, le kinésithérapeute, le préparateur physique, le manager et/ou l’entraîneur et bien entendu l’athlète (qui peut bénéficier d’un accompagnement psychologique si nécessaire). Chaque prise de décision n’est aucunement un acte isolé, et la part de chacune d’elle tout au long du processus de retour de blessure est conditionnée par différents paramètres. Voici un exemple de modèle décisionnel que nous proposent Dijkstra et al. (2016) : le shared decision-making (SDM) process (figure 2).

 

Sdm Share Decision Making

Figure 2 – Le « shared decision-making (SDM) process ». La taille des cercles qui contribuent aux processus SDM sont influencés par différents facteurs, incluant l’état de santé, le risque de participation et tout autre modificateur de décision. La position du cercle SDM pourrait donc varier : pour un athlète commotionné ne présentant aucune capacité pour prendre part au processus SDM, la decision est indiscutablement dans le cercle des professionnels de la santé. Dans le cas de l’athlète et de l’entraîneur se déplaçant seuls à un camp d’entraînement/compétition, le professionnel de santé pourrait être absent du processus SDM.

 

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« Return to Sport » et le « consensus statement » : le point de vue de la recherche scientifique

Quoiqu’il en soit, que l’on parle de Return to Play ou de Return to Competition, la recherche scientifique est affirmative là dessus : toute décision comme nous venons de le voir et particulièrement la décision finale qui aboutit au RtP (ou au RtC) est « multifactorielle, complexe et dynamique ». McCall d’ajouter : « la difficulté est de pratiquer une bonne médecine du sport et science tout en trouvant un équilibre avec les intérêts du joueur et de l’équipe. » 

Concernant les termes de RtP et de RtC, se basant sur la littérature et selon Jean-Benoit Morin professeur et enseignant-chercheur à l’Université Côte d’Azur, ils ne sont que des « distinctions marginales car ce qui fait « foi » pour quelques années (jusqu’à ce que la recherche ait évolué significativement), c’est le « consensus statement » du CIO publié cette année [NDLR : en 2016] dans British Journal of Sports Medicine. » 

Le « consensus statement » qui a eu lieu en 2016 à Berne rejoint l’idée selon laquelle « le mot « play » est plus applicable à un joueur de sport collectif » et l’importance d’identifier un terme commun à tous « pertinent et compris de tous les sports et de tous les athlètes. » Préférant ainsi le terme général « Return to Sport » (RtS) (figure 3) à Return to Play ou Return to Competition pour définir le continuum regroupant ces deux dernières entités.

 

Return To Sport

Figure 3 – Modèle biopsychosocial du RtS après une blessure

Pour en savoir plus, je vous invite à consulter l’intégralité du document que je vous joints : « consensus statement » (pdf).

 

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Que retenir ?

Au delà de ces termes dont l’aspect peut paraitre totalement subjectif et qui pour certains peut être assimilé à du « chipotage », la volonté de cet article à l’image des différents auteurs que je cite n’est pas tant d’épiloguer, d’opposer les deux approches, ni même d’apporter une déclinaison supplémentaire; une manière conceptuelle de s’approprier une soi-disant « nouvelle méthode » dont certains sont adeptes. Mais bien de souligner la complémentarité essentielle (pour ne pas dire le caractère indissociable) de la rééducation et de la réathlétisation. Et de tenter d’apporter plus de clarté sur les terminologies afin que l’ensemble des professionnels de santé et de l’entraînement qui oeuvrent ensemble à leur bonne réalisation, puissent avoir le même langage. Replaçant de ce fait le sportif au coeur même du processus de retour de blessure pour lui permettre un Return to Sport dans les meilleurs dispositions possibles et de minimiser autant que faire se peut les risques de récidives. Ne nous trompons pas d’objectif, car dans nos domaines « en proie aux labels et aux chapelles » pour reprendre l’une des expressions favorites de l’ex-préparateur physique de l’équipe de France féminine A de football, Frédéric Aubert, c’est bien là le plus important.

 

« Le sportif est un blessé « en sursis »; notre rôle est de retarder l’échéance tout en minimisant les conséquences. » 

Mathieu Chirac (ex-responsable de la cellule de réathlétisation de l’INSEP)

 

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Je tiens à remercier les différents échanges et retours obtenus concernant le sujet, et particulièrement Jean-Benoit Morin pour sa disponibilité et ses références scientifiques toujours aussi pertinentes ainsi que Paul-Marie Lallement masseur-kinésithérapeute de l’ASM Clermont Auvergne rugby

 

 Olivier Allain

 

N’hésitez pas à poser toutes vos questions et à discuter de cet article en laissant un commentaire.


Références

Ardern CL., Glasgow P., Schneiders A., Witvrouw E., Clarsen B, Cools A., Gojanovic B., Griffin S, Khan KM., Moksnes H., Mutch SA., Phillips N., Reurink G., Sadler R., Silbernagel KG., Thorborg K., Wangensteen A., Wilk KE, Bizzini M. 2016 Consensus statement on return to sport from the First World Congress in Sports Physical Therapy, Bern. Br J Sports Med., 50(14):853-64, 2016.

Chirac M. La Réathlétisation – Les grands principes. INSEP Publications, 2014.

Dijkstra HP., Pollock N., Chakraverty R., Ardern CL. Return to play in elite sport: a shared decision-making process. Br J Sports Med., 2016.

Joyce D., Lewindon D. Sports injury prevention and rehabilitation : integrating medicine and science for performance solutions. Routledge, 2016.

McCall A., Lewin C., O’Driscoll G., Witvrouw E., Ardern C. Return to play: the challenge of balancing research and practice. Br J Sports Med., 2016.

Van der Horst N., van de Hoef S., Reurink G., Huisstede B., Backx F. Return to Play After Hamstring Injuries: A Qualitative Systematic Review of Definitions and Criteria. Sports Med., 46: 899–912, 2016.

 

3ème colloque des Préparateurs physiques du Football Professionnel. Siège de la FFF (Paris), 6 octobre 2016.

Brock C. Méthodes et tests en club professionnel. Team EXOS. 

Dr Puig P. Ladoucette S., Maquaire C. Lésion du soléaire : de la blessure au retour terrain. CERS Capbreton. 

 

Internet

Site Kinesport : Congrès Return to Play – Londres 2016.


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